Comment réaliser les coulisses d’un réseau de train miniature ?
Quelle belle invention ! Cet artifice permet de franchir le pas entre les circuits naïfs où le train tourne en rond et un rapport plus proche avec la réalité. Les parties cachées de nos réseaux jouent le rôle des coulisses de théâtre où les acteurs attendent avant de présenter leur prestation. Nous allons faire de même. Les coulisses servent au stockage des rames qui viendront desservir la gare avant de poursuivre leur trajet. Autre intérêt : les coulisses dissimulées au regard ne nécessitent pas la construction d’un décor, étape fort intéressante mais demandant patience et soins attentifs pour être menée à bien. Alors, quelle que soit la technique utilisée pour tracer son futur réseau, penchons-nous sur les différentes possibilités d’implantation de coulisses.
1-Une goulotte de mise en voie : une voie est posée dans une coulisse étroite composée d’une semelle et de deux côtés. Á chaque extrémité, une prise électrique mâle de type ordinaire permet l’emboîtement précis en bout du réseau où se trouve encastrée une prise femelle. L’alimentation électrique du tronçon de voie passe par cette prise. Il faut autant de goulottes que de convois. Elles sont rangées sous le réseau. Une goulotte est emboîtée, le convoi part jusqu’à la fin de sa période d’exploitation. Il revient dans sa goulotte en marche arrière mais aussi en marche avant si la goulotte possède une prise mâle à chaque extrémité. Il suffira de la retourner lors de la prochaine séquence. La longueur des goulottes correspond à celle des rames. Cette méthode simple peut être utilisée avec de nombreuses configurations de réseaux. Elle est très pratique pour des rames indéformables comme les TGV.
2-Un tiroir : un ensemble de voies parallèles est monté comme un tiroir. La longueur des voies est fonction du matériel à ranger. Ce sont souvent des trains courts ce qui facilite la réalisation du système de coulissement de ce tiroir. Plus ce dernier est long et plus le guidage doit être précis. Le tiroir se déplace perpendiculairement au réseau. Il faut prévoir l’encombrement dû à son déplacement, en avant comme en arrière. Chaque voie accueille une machine ou un petit convoi. Un verrouillage maintient le tiroir en position et des contacts électriques assurent l’alimentation de la voie en concordance avec le réseau. Ce dispositif ne permet pas de retourner les trains.
3-Une plaque tournante : cachée, elle est pratique pour retourner une locomotive en l’absence de tout dépôt ou annexe traction. Autre exemple : un train court entre dans un bâtiment (remise, usine) puis est retourné avant de sortir pour rejoindre le réseau. Les capacités de retournement dépendent du diamètre acceptable pour l’implantation de la plaque qui, en coulisse, peut être plus facilement construite de toutes pièces.
4-Une plaque tournante à voies multiples : le principe est le même que le précédent. Trois voies sont placées sur la plaque tournante. Certains arrivent à en loger cinq au prix d’un diamètre accru ! Chacune peut accueillir une motrice et deux ou trois wagons. Ce stockage reste modeste mais très pratique pour les trains courts. La rotation est manuelle et comme avec un tiroir, un verrouillage assure la concordance des voies et le passage du courant électrique.
B–Une multiplication d’aiguilles est nécessaire pour desservir un faisceau important. Il faut trouver le compromis dans les angles de déviation des appareils et la place disponible. Il vaut mieux se priver d’une voie supplémentaire pour éviter d’employer des rayons trop serrés, souvent à l’origine de déraillement.
5-Un faisceau de voies distribuées par une suite d’aiguilles : cette disposition classique est un peu encombrante en raison de la multiplication des appareils de voie (doc B). L’emploi d’un aiguillage triple en tête de faisceau permet de gagner un peu de place. La longueur est fonction de celle des convois qui ne peuvent être retournés.
6-Faisceau et plaque tournante : la locomotive décrochée de son train est tournée puis renvoyée en tête de son train ou d’un autre. Pour cela, il faut qu’une des voies du faisceau reste libre ce qui réduit le stockage mais augmente les possibilités de manoeuvre.
7-Faisceau et voie en impasse : cette formule, plus encombrante que la précédente, est utilisable avec des motrices électrique ou diesel qui n’ont pas besoin d’être tournées. La largeur de ces coulisses peut être réduite par l’absence de plaque tournante.
8-Faisceau et voies amovibles : c’est une version plus sophistiquée de la goulotte du premier exemple. La partie de droite est amovible et retournable. C’est un rack comportant plusieurs voies que l’on peut mettre en sens contraire. Plusieurs racks sont à même de contenir l’ensemble du matériel roulant. Si le stockage des rames et leur retournement sont assurés, la manoeuvre de cet ensemble peut difficilement être automatisée.
Avec un réseau étagère, une coulisse latérale permet de ne pas augmenter la longueur du réseau et très peu sa largeur (plan 9). La quantité de stockage est limitée mais cela convient très bien au manque de place sans pénaliser les possibilités de manoeuvre.
Les voies en coulisse sont simplement dissimulées derrière une sorte de paravent, mur, bâtiment ou talus, permettant un accès par-dessus (plan 10). L’angle d’observation normal ne doit pas permettre d’apercevoir le matériel garé en coulisses qui devient accessible en se haussant sur la pointe des pieds.
Après avoir passé en revue les réseaux avec des coulisses d’extrémité, abordons les circuits bouclés qui ont d’autres impératifs. Les coulisses doivent permettre le stockage mais aussi les croisements et les dépassements des convois. Partons d’un simple ovale, base de beaucoup de réalisations. Une partie du réseau est visible, l’autre cachée.
Plan 11-Séparateur scénique, voie(s) d’évitement en voie unique : le tracé ovale est coupé en deux parties par un fond de décor. En partie cachée, une ou plusieurs voies d’évitement permettent de réaliser les trois fonctions : stockage, croisement et dépassement. Selon leur importance, les voies de la gare autorisent des manoeuvres plus ou moins complexes.
Plan 12-Séparateur scénique, voies d’évitement et double voie : les deux sens sont indépendants mais des communications V1-V2 sont à établir soit en gare, soit en coulisses. Les voies de garage sont de longueur différente, celles du sens 1 sont plus courtes que sur le sens 2. L’emploi d’aiguilles enroulées permet de gagner un peu en longueur. Remarquez la numérotation des voies : paire dans un sens et impaire dans l’autre. Comment disposer ces voies de garage ? Le tracé sera bien sûr adapté à la place disponible et au trafic envisagé. Les quelques solutions suivantes ont des caractéristiques différentes que chacun peut adapter à son cas particulier.
Plan 13-Plusieurs voies de garage disposées de manière symétrique : ce tracé classique réduit progressivement les longueurs des zones utiles. Cela peut interdire la pénétration d’un train long sur les voies 3 ou 5 et compliquer l’exploitation. Là aussi, l’emploi d’aiguilles enroulées ou triples procure un gain de place.
Plan 14-Les voies de garage sont placées en épi : toutes les longueurs sont identiques et le choix d’un itinéraire en fonction de l’importance des convois ne se pose plus. Le seul inconvénient pourrait être le décalage géométrique entre la voie entrante et la voie sortante qui peut être atténué avec un tracé général en courbe ou légèrement sinueux.
Plan 15-Voie banalisée entre une double voie : cette disposition peut aussi bien s’appliquer aux coulisses qu’à une gare. Deux groupes de trois aiguilles placés à l’entrée et à la sortie permettent une interconnexion des deux circuits. La voie banalisée parcourue dans les deux sens autorise le garage d’un train. Ceci est très pratique avec une rame réversible qui, arrivant voie 1 peut repartir en sens contraire voie 2. Pour augmenter la capacité de stockage, des voies de garage supplémentaires peuvent être placées à l’extérieur des voies paires et impaires.
C-Sur ces coulisses de 50 cm de large, huit voies tiennent aisément. Leur longueur permet de placer des appareils de voie pour autoriser le garage d’un total de dix trains, quatre longs et six plus courts.
Plan 16-Avec des faisceaux longs, une imbrication des voies augmente le nombre de garages tout en gardant une largeur réduite. Les voies 1 et 2 sont réservées aux trains longs ou au passage direct des convois. Les voies : 3, 5 et 7 dans un sens et 4, 6 dans l’autre sont en priorité affectées aux garages ou au passage direct si la voie correspondante, 1 ou 2, est occupée par un train en stationnement. La largeur d’un tel faisceau en H0 avec un entraxe entre les voies de 46 mm (norme NEM 105) et des bordures de 50 mm n’est que de 330 mm (doc. C).
Les boucles de retournement, en voie unique comme en double voie, terminent parfois les réseaux. Le choix d’un rayon raisonnable contraint à l’occupation d’une surface importante. La décorer serait un gros travail ; placer cette «raquette» en coulisses présente un avantage certain.
L’encombrement en voie unique est un peu plus important qu’en double voie en raison de la géométrie de l’aiguille. La longueur est facilement calculable en fonction du rayon de la courbe et de l’angle alpha de déviation de l’aiguille (L = R (1 + tg alpha/2).
Plan 17-Boucle sans garage : cette solution n’est intéressante qu’avec un seul train faisant demi-tour avant de revenir sur la partie visible du réseau. Elle ne permet aucun doublement contrairement aux deux tracés suivants.
Plan 18-Boucle avec un garage : pour ne pas réduire le rayon de la courbe, la voie de garage est placée sur la partie en alignement mais sa longueur risque d’être limitée si l’angle de déviation est important et le rayon réduit.
Plan 19-Variante d’une boucle avec garage : pour éviter d’élargir la plateforme, une ou plusieurs voies sont posées en courbes successives. La longueur de stockage est réduite et il est préférable de ne pas faire stationner des rames dans une courbe, surtout si elle est serrée. Un choc un peu brusque au démarrage peut provoquer un déraillement ou un versement du convoi. Placer une boucle de retournement à chaque extrémité d’un réseau à double voie revient à tracer l’équivalent du plan 11. En voie unique, le problème est plus complexe car il faut éviter tout blocage en saturant les différents garages.
Plan 20-Gare de passage en voie unique : une boucle de retournement est placée à chaque extrémité. Comme le schéma le démontre, si le convoi remisé à droite est envoyé, il bloquera toute possibilité de dégagement de la boucle de gauche. L’opérateur sera obligé de renvoyer une rame en marche arrière ce qui n’est pas très réaliste.
Plan 21-Gare de passage et garage unique : cela nécessite une disposition originale, un peu encombrante mais très performante. Les voies de garage sont placées en épi (doc. D). Elles sont toutes parcourues dans le même sens (de la gauche vers la droite). En sortie, deux itinéraires sont possibles : sens horaire ou inverse. Les trains allant dans le sens antihoraire suivent un trajet plus long pour aborder la partie décorée par la gauche. Il en va de même lorsqu’ils quittent la partie décorée par la droite. La voie fait le tour de la zone de garage pour l’aborder dans le bon sens. En gare, les convois peuvent se croiser ou se dépasser.
Où placer ces coulisses parfois encombrantes ? A côté du réseau si la place le permet, sinon il faut changer de niveau et placer ces coulisses sous la partie décorée. Pour descendre d’un étage, la solution est souvent la rampe hélicoïdale. En courbe, il ne faut pas exiger de nos machines des performances excessives. En H0, la différence minimale entre deux niveaux, sans caténaire, est de 80 mm (plateforme de la voie supérieure, passage des doigts, hauteur du matériel et épaisseur de la voie). Pour atteindre cette valeur avec une rampe de 2 %, il faut franchir 4 m ce qui nécessite un rayon minimum de 636 mm. Employer une rampe d’un taux supérieur permet de réduire le rayon et l’encombrement mais cela impose de diminuer la longueur des convois ou d’avoir recours aux doubles tractions.
D’autre part, pour pouvoir intervenir aisément au niveau inférieur, il faut un espace d’au moins 200 mm de haut (passer la main pour remettre un véhicule sur la voie) ce qui nécessite une rampe à plusieurs tours. Certes, la surface occupée reste la même mais la structure est plus importante. Toutes ces dispositions peuvent être mixées, transformées, multipliées ou agrandies pour s’adapter aux besoins de chacun. Comme les voies en coulisses sont simplement posées sur leur plateforme, il est aisé de revoir une disposition dont le tracé initial ne correspondrait pas exactement au cahier des charges.#
D-Le réseau du Club ferroviaire de Franche-Comté comporte quatorze voies de garage, toutes de même longueur. Cela permet une exploitation avec un grand nombre de rames et ainsi de varier la succession des différentes circulations.
Jean Cuynet
Ancien auteur