L’utilisation avancée du Gras Master de Noch
Mais oui, la grenade à manche de Noch, le fameux Gras Master que nous avions testé à sa sortie, est de retour ! Pressentant les possibilités de cet appareil, nous avons voulu savoir comment l’utiliser au delà de ce que la notice préconise.
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Les nouvelles aventures de la «grenade à manche»
J‘avais été étonné et séduit par ce que j’avais, à l’époque, appelé «la grenade à manche», à savoir ce qui est plus connu sous le nom de Gras Master de la marque Noch.
Ce produit présenté comme une grande nouveauté n’en est pas tout à fait une car ce type d’appareil électrostatique existe depuis fort longtemps. Faller en possède un à son catalogue depuis des lustres mais alimenté par le secteur ainsi que Heki (alimentation mixte pile ou secteur me semble-t-il).
Lors de l’utilisation initiale, je m’étais interrogé sur la manière de rendre cet appareil plus efficace qu’il n’y paraissait à première vue car suivre la notice aboutissait à un résultat fort scolaire. Mes pérégrinations m’ont amené à réfléchir sur trois axes principaux dont l’article qui suit sera la traduction :
1-L’utilisation des fibres longues de 4,5 et 6 mm et leur mélange afin de rompre un peu l’uniformité engendrée par l’utilisation de Gras Master. Le mélange se fera aussi entre les couleurs et au besoin par des passes successives.
2-L’absence de fibres plus longues que celles de 6 mm m’a amené à faire des tests afin de voir comment réaliser mes propres fibres pour des tailles de 1 à 2 cm destinées en partie aux échelles supérieures au H0 (encore que 1 cm représente 87 cm réel, ce qui n’est pas irréaliste dans la nature ; 43,5 cm en 0). A partir d’une perruque en fibres synthétiques à bas prix, il m’a ainsi été possible de rompre un peu l’uniformité façon tapis floqué qu’ont parfois les surfaces couvertes au Gras Masteren terme de hauteur.
3-Depuis toujours, en tout cas depuis ma période «voie étroite», j’avais envie de faire de la voie dans les herbes, qui reste fonctionnelle. Le Gras Master m’a donné cette opportunité, et les tests réalisés en H0 comme en S me prouvent que cela s’avère possible, alors a fortiori en 0… Cependant, petit bémol pour la voie étroite (pas le métrique dont le matériel possède une garde au sol et un poids lui permettant de franchir cette «barrière» végétale) pour laquelle des essais s’avéreront nécessaires. Ce n’est à l’évidence pas fini car, à l’utilisation, on découvre au fur et à mesure de nouvelles manières de l’utiliser, de nouvelles pistes à explorer.
Pour faciliter leur mélange avec les fibres plus longues et faciliter la dispersion, il va convenir de les séparer.
Deux derniers petits points : je demanderai un peu d’indulgence pour le diorama présenté. Il ne reflète que partiellement les possibilités des différentes techniques exposées (entre autres la densité de la couverture en fibre est parfois trop importante) car les impératifs de photographie pour l’article (dont un éclairage assez puissant), ont eu pour effet d’accélérer substantiellement la prise du médium rendant parfois difficile la technique de l’aspirateur. Vous ne devriez pas rencontrer ce problème et les résultats devraient être meilleurs.
De plus, comme vous pouvez le constater, le wagon photographié est aux couleurs d’un réseau US. Une frange très réduite de modélistes semble ne pas encore avoir saisi que les techniques décrites sont universelles et peuvent s’adapter à tout type de décor. Afin de ne pas choquer outre mesure leurs gauloises convictions, je les invite donc à zapper les quelques pages qui suivent afin de préserver leur santé mentale. Pour les autres, en piste !
Du mélange pour la vie
Pour mettre de la vie dans les herbes de nos réseaux, il faut du mélange ! L’apparition de flocages avec plusieurs longueurs de fibres est une véritable aubaine (2 mm, 4/4,5 mm, et 6 mm). Après essai, je me sers plutôt des deux dernières longueurs qui donnent de bons résultats visuels, le 2 mm étant à cantonner dans le rôle du gazon (sauf en N). L’écueil du Gras Master est principalement de donner un effet «tapis floqué» beaucoup trop régulier, tant en teinte qu’en hauteur lorsque utilisé comme la notice le préconise. J’ai donc travaillé sur deux axes. D’une part, mélanger les 4 et 6 mm ensemble (puis plus haut grâce aux fibres issues de perruque, voir après) afin de donner un peu plus de relief. Et d’autre part, en mélangeant les teintes entre elles afin de donner plus de diversité, même subtile, au paysage traité. C’est donc ce que nous allons mettre en oeuvre.
Je rappelle aussi que toutes les marques de fibres fonctionnent avec l’appareil (pourvu qu’elles soient synthétiques) et que la colle à bois, rapide ou non, diluée ou pas, comme le médium mat (utilisé pour le diorama de cet article) sont utilisables.
Le mélange définitif a reçu, outre le mélange de taille 119-129, un apport de 118-128 cassé ensuite avec un peu de 117 (chaume). Il ne reflète que celui dont j’avais besoin et vous êtes libre de faire à votre goût. Les proportions se font à «l’oeil» et les mélanges de couleurs s’arrêtent lorsque le résultat paraît convenir. La chronologie restera par contre la même.
La perruque d’un mélange de blond et d’auburn probablement, convient bien pour l’utilisation prévue. Ses fibres viendront casser la monotonie de la hauteur des autres fibres plus courtes et varier la couleur avec des tonalités plus roussies.
Il suffit de ciseaux pour obtenir les fibres dont vous avez besoin. Et d’un réglet pour vous donner une indication de taille, ici de l’ordre de 1,5-2 mm.
Là encore, une petite séparation des fibres obtenues sera nécessaire pour faciliter leur dispersion à travers le tamis du Gras Master.
Un mélange avec des fibres de 6 mm (ici du 117) peut aussi s’envisager sans être obligatoire. Cela rend simplement le mélange plus homogène avec le reste des teintes appliquées.
Faire de la perruque en toute légalité
L’utilisation de perruques synthétiques à bas prix achetées sur Ebay a été la solution la plus économique trouvée pour le moment (je n’allais quand même pas utiliser mon complément capillaire style Elvis que je garde pour les grandes occasions… non mais !). De l’ordre de 5 à 10 euros frais de port compris depuis la Chine, cela reste abordable. Une perruque courte comme celle utilisée dans cet article permet de couvrir des surfaces non négligeables probablement de l’ordre de 0,50 m carré. Il doit être possible de trouver des tresses ou nattes qui rendraient la tâche de découpe plus aisée. Privilégiez toujours des tonalités claires genre blond que vous pourrez peindre à l’aérographe dans des tons plus soutenus vert, marron, etc. Car, souvenez-vous que vous ne trouverez pas de perruque en vert printanier !
Quant à la taille possible des fibres obtenues, mes tests m’ont amené jusqu’à presque 5 cm. Le seul problème rencontré vient des tamis de la version ancienne du Gras Master qui empêchent une dispersion aisée des fibres trop longues. Peut-être qu’avec le nouvel embout… Disons qu’avec des fibres de 1 à 2 cm cela ne pose guère de problèmes.
Ceci vaut, bien sûr, avant qu’un ou des fabricants ne nous en proposent, ce qui simplifierait la tâche. Mais faire fabriquer des sachets de fibres a un coût élevé et comme il paraît qu’il n’y a pas de demande sur des fibres plus longues… Alors la perruque a de beaux jours devant elle.
Vous pourrez laisser des zones moins densément couvertes et revenir avec des mélanges plus ou moins verts suivant ce que vous voulez simuler ou tout simplement pour donner plus de diversité.
Le Gras Master est utilisable même dans des endroits quelque peu exigus comme ici et le nouvel embout facilite évidemment l’application dans de tels endroits en limitant la dispersion.
Les fibres plus longues issues de la perruque ont été appliquées de manière dispersée pour ajouter un peu de relief et de diversité.
L’aspirateur est utilisé à ce stade pour retirer l’excès, redresser les fibres et les orienter pour éviter qu’elles soient dressées vers le ciel toutes dans le même sens.
L’aspirateur va nous servir maintenant à retirer des touffes ou zones complètes, ce qui va avoir pour effet d’aérer les zones herbeuses comme en réalité.
On distingue sur cette photo les différences de teinte et de hauteur de nos herbes et leur orientation.
Puis vient l’adjonction de buissons (ici Mininatur réf. 910-22 et 920-12) pour parfaire notre décor. Cela commence à ressembler à quelque chose, même si le détaillage de la scène vient plus tard.
Les fibres appliquée au Gras Master peuvent se mettre partout comme en attestent celles-ci, accrochées au-dessus du mur entre celui-ci et la roche.
De la voie en herbes
Comme je l’ai signalé quelques lignes auparavant, faire de la voie dans les herbes a toujours été une de mes obsessions (on a celles que l’on peut…) et j’ai testé nombre de techniques ou artifices avec des résultats toujours peu satisfaisants, soit d’un point de vue esthétique, soit d’un point de vue fonctionnel.
En effet, mon but a toujours été en la matière de pouvoir faire circuler des convois sur une voie pareillement décorée. Le Gras Master permet pareille chose sans grands problèmes de mise en oeuvre ou de fonctionnement pour le matériel, mais aussi et surtout, cerise sur le gâteau, avec un résultat esthétique sympathique. Il est à noter de surcroît qu’une voie déjà posée et ballastée depuis longtemps pourra être traitée, ce qui ne gâte rien.
L’utilisation d’un tel procédé ne se limitera pas à de la voie étroite ou à des voies de service peu utilisées ou abandonnées. Les lignes secondaires encore en activité aujourd’hui, mais aussi les lignes TER, Transilien, nombre de lignes principales, et même les grandes gares parisiennes peuvent être concernées tant l’entretien des emprises devient peu perceptible aujourd’hui et les herbes folles. Vous allez pouvoir vous en donner à coeur joie !
Cette voie et son ballast de scories n’attendent plus que les herbes qui
vont l’habiller.
Le médium dilué (médium 30-40 %, le reste d’eau) est appliqué à la pipette en évitant les traverses dont celui-ci pourrait éventuellement modifier la teinte.
L’application au Gras Master se fait sans soin particulier pour couvrir la zone encollée. C’est de votre encollage dont dépendra en partie le résultat final. Le flocage ici est à dominante 117 pour simuler une herbe qui a été en partie brûlée par le soleil et un passage de désherbant.
Quelques exemples réels de voies dans les herbes
L’aspirateur, nouvel outil de modélisme
Mon attirail modéliste s’est enrichi au fil des années d’ outils divers dont l’utilisation initiale n’a rien à voir avec le modélisme comme le décapeur thermique, ou même parfois avec le bricolage comme le sèche-cheveux. L’aspirateur fait, lui aussi, partie de cette trousse et nous aide bigrement dans la mise en oeuvre de nos herbes folles. D’une part, pour retirer l’excès de produit et permettre dans le cas des voies, un roulement d’engins sans que ceux-ci ramassent une tonne de fibres au passage.
Et, d’autre part, en s’en servant pour redresser les fibres et leur donner une inclinaison (elles arrivent généralement raides comme la justice dans le médium) et créer des trouées afin d’aérer votre surface qui aura moins l’air d’un tapis floqué des temps héroïques. Le nouvel embout livré avec la dernière génération de Gras Master ne dispense pas de l’utilisation de l’aspirateur. Il permet simplement d’éviter la grande dispersion de fibres que provoquent les tamis.
Attention ce n’est quand même pas le messie
Effectivement, ce n’est pas le messie dont il faut tout attendre ou une sorte de saint Graal du décor qui résoudra tous les cas. Loin s’en faut, et de la même façon qu’il ne faut pas tout attendre des produits Mininatur, le Gras Master ne saurait répondre à toutes les situations modélistiques. Je l’avais déjà souligné dans des articles précédents mais je le rappelle encore ici, c’est bien de l’utilisation judicieuse des produits ou outils, et de leur mélange adapté à la situation à reproduire dont dépendra un résultat naturel et réaliste. Ou bien une laborieuse composition très scolaire.
Donc, un peu de discernement et le Gras Master va vous permettre d’étonner vos amis modélistes, votre concierge et plus si affinités.#
L’aspirateur (ici équipé du suceur Micro Mark) nous permet là encore de retirer l’excès et de redresser les fibres qui le nécessiteraient. Mais aussi, il va nous permettre de modeler la présence des fibres en retirant ce qui est souhaitable pour obtenir un résultat qui vous convient, plus ou moins dense, plus ou moins aéré, par touffes, etc. Tout est possible même sur les zones encollées où il suffit de retirer les touffes en excès. Il n’y a pas de règle, c’est votre oeil qui guide. Si le médium réapparaît et que vous ne souhaitez pas remettre d’herbe, ce n’est pas un problème car en séchant il deviendra mat et disparaîtra.
Après une première passe, la voie réapparaît et la présence herbeuse s’éclaircit. Tant que c’est frais, il sera possible d’intervenir pour retirer ou ajouter de l’herbe avec le Gras Master en répétant toujours le même processus. A vous de jouer.
Infos Mat.
La base de tout ce sont les fibres (hors le Gras Master dont il vous faudra bien sûr disposer). Elles sont ici de marque GPP (marque disparue) mais elles sont disponibles chez Noch, chez Heki (5-6 mm) et d’autres marques.
Les autres fournitures nécessaires se limitent à ce que vous voyez sur la photo, hormis une paire de ciseaux non représentée. Un des pots contient de la terre ramassée dans un chemin et mélangée à de fins cailloux issus de calcaire broyé et grossièrement trié. Il n’est surtout pas tamisé pour éviter l’uniformité que cela entraîne. Le médium mat est recommandé (Liquitex prédilué réf. 5116 de préférence) pour éviter les brillances que peuvent laisser certaines colles blanches. C’est plus cher mais c’est mieux.
C’est un embout réducteur universel (ou presque) pour aspirateur. Il va nous servir pour les «frappes chirurgicales» d’extraction d’herbe dans les voies ou ailleurs lorsque de la précision se fait sentir (fournisseur : Micro-Mark (USA), micromark.com, coût : une dizaine d’euros).
Philippe Cousyn
Rédacteur en Chef, spécialités décor, histoire du rail français et américain
BRAVO, très intéressant !