Le cinquième \"train des brasseurs\", organisé par des Alsaciens, a parcouru l\'Allemagne durant une vingtaine d\'heures, dimanche 15 juin. À bord, de la bière à volonté mais pas seulement...

Boire pour voyager et non voyager pour boire...
Lorsqu\'on embarque pour vingt heures de voyage à bord d\'un train comme celui-là, difficile d\'échapper aux clichés. Le train de la bière, sobrement baptisé le \"train des brasseurs\" est pour certains un rêve, pour d\'autres un repaire d\'ivrognes

Le billet promet \"un voyage spectaculaire, culturel, gastronomique, brassicole, convivial et historique\" : une croisière en bateau, des tireuses à bière bien sûr, mais aussi les fromages d\'un des meilleurs artisans de la région, la maison Lorho, et la participation des grands chefs alsaciens des Etoiles d\'Alsace. Mais vers 5h30, quand 400 passagers et 70 membres d\'équipage embarquent en gare de Kehl (Allemagne), près de Strasbourg, ils ne savent pas vraiment ce qui les attend...

Convivialité et curiosité
5h20 : Certains passagers, englués dans la file d\'attente, râlent déjà. \"On ne sera jamais partis à l\'heure\", peste un couple de retraités. Pas de doute : le train de la bière est un train comme les autres : on se bouscule, on tient à son numéro de place, chaque minute compte. À ce détail près qu\'aujourd\'hui, on ne voyage pas pour arriver, mais pour... voyager, et prendre son temps. L\'organisateur, Bernard Rotman est le patron du bar \"Les douze apôtres\", à Strasbourg près de la cathédrale... Il tient à cette philosophie, tout en souhaitant conserver le caractère \"exceptionnel\" à cet événement :
Bernard Rotman, l\'organisateur : \"Donner les bonnes images positives de la bière\"
5h54 : Le train démarre, tout le monde s\'installe.

Bernard Rotman, l\'organisateur, André Schneider, député, et Roger Sengel, président du Groupement des hôteliers-restaurateurs du Bas-Rhin.
6h30 : Début du service de petit déjeuner et courte conférence de presse. Les paysages de Forêt Noire et du Palatinat défilent par la fenêtre. Le député André Schneider est présent, en tant que fervent défenseur des intérêts de la bière à l\'Assemblée nationale :
André Schneider, député : \"Il faut de temps en temps soutenir la bière\"
8h30 : Tout le monde se presse aux voitures-bars, c\'est l\'affluence dans le wagon réservé à la presse et aux partenaires. Dans les couloirs, on ne se connaît pas forcément mais on se salue en affichant un large sourire. En queue de train, l\'ambiance est plus feutrée. Une vue imprenable sur les rails qui filent sous le train. Vitesse de croisière : 100 km/h. Un groupe d\'amis - plusieurs trains de la bière à leur actif, certains \"depuis le premier\", encore rudimentaire - refont le monde. Bernard admire le paysage. Il espère ne pas devoir se justifier en rentrant à la maison... \"Ma compagne n\'a pas voulu venir parce qu\'elle a dit c\'est un truc d\'ivrogne, vous passez votre temps à boire !\' Alors que c\'est évidemment pas ça du tout\", lance-t-il en riant :
Bernard, l\'un des passagers : \"De temps en temps ça fait du bien de laisser planer le doute, qu\'on est une équipe d\'ivrognes, mais c\'est pas le cas !\"
\"Ils ont changé de costume les contrôleurs ?!\"
9h : \"Ils ont changé de costume les contrôleurs ?!\", s\'étonne un passager, alors que défilent les fromagers, victuailles plein les bras, les \"Cheese Angel\'s\" et toute la fine équipe du meilleur ouvrier de France Cyrille Lorho. Ils ne manquent pas d\'humour, ce qui apporte une touche de bonne humeur supplémentaire. A l\'extérieur, des cheminées d\'usine gigantesques et des paysages industriels dignes d\'un film de science-fiction...

Des fromagers meilleurs ouvriers de France en pleine séance de dégustation.
11h20 : Les passagers passent la tête par la fenêtre, appareil photo à la main. L\'un d\'entre eux compte bien ramener des clichés touristiques : \"Ca, c\'est pour prouver à ma femme que je n\'ai pas fait que boire de la bière !\" Descente du train et embarquement pour une croisière de quatre heures sur la Moselle, à grand renfort de musique traditionnelle. Buffet servi par les grands chefs étoilés de la région, les Etoiles d\'Alsace.

La croisière s\'amuse sur la Moselle... Ici, le fromager Cyrille Lorho.
15h20 : Accostage dans le village féérique de Cochem. Certains promettent de revenir en voiture. La découverte continue...
\"Aujourd\'hui on a vu des gens heureux\"
16h : De nouveau dans le train, à quelques dizaines de kilomètres de Coblence. Certains plongent dans une sieste, d\'autres échangent leurs cartes de visite. La voix de Bernard Rotman brise le silence des compartiments, par des anecdotes historiques. Pierre Wey, responsable marketing de la brasserie Licorne à Saverne, se fécilite de cet événement pas comme les autres : \"Aujourd\'hui on a vu des gens heureux, on a bien mangé, les gens ont le sourire. C\'est pour cela que j\'ai choisi ce métier et la bière.\" Visite de la ville.
Pierre Wey, de la brasserie Licorne de Saverne : \"Donner la bière dans la main du consommateur et aller rencontrer notre public\"

Le train de la bière, une tradition qui remonte à 1990, aujourd\'hui plus moderne que jamais !
La bière retrouve le foot
21h15 : Retour à bord du train, direction Kehl, le long du Rhin romantique, et son emblématique \"Lorelei\". Les bars sont de nouveau ouverts, l\'atmosphère change, la température grimpe. Certains veulent connaître le résultat de l\'équipe de France de foot face au Honduras lors du Mondial brésilien. \"Combien ? 1-0 ! Déjà ?!\" Dans les compartiments, beaucoup dorment bouche ouverte, rideaux tirés, des verres vides sur les tablettes... Le wagon-bar fait de la résistance. Ambiance soirée de match. Chants et rires nerveux. À minuit, les dernières bières sont tirées, loin des micros et des photos, qui ne sont plus les bienvenus : \"Une interview à cette heure-là ? Vous vivez dangereusement jeune homme !\"

À minuit, les tireuses à bière remplissent les derniers verres.
1h10 : Arrivée en gare de Kehl. Chacun repart chez soi, des images et des bulles plein la tête, onze ans après le dernier train de la bière, à l\'époque dans la vallée de la Bruche. Les trois premières éditions remontent à 1990, jusqu\'à Munich, 1996, en Forêt noire et au lac de Constance, et en 2000, le long du Danube