Comment patiner les wagons céréaliers ?

34 – «L’ennui naquit un jour de l’uniformité» : cette maxime ne peut pas être appliquée à notre rame composée de céréaliers aux formes différentes, aux marquages variés et à une patine adaptée.

Les wagons circulant généralement en rames complètes sont indissociables du trafic marchandises contemporain. Les modèles à bogies ont été reproduits en H0 par Jouef, Rivarossi, Dacker et Märklin Trix. Leur diversité de marquage en font un sujet presque inépuisable. Nous vous proposons de patiner les wagons Märklin Trix en marquage contemporain, déclinés en version à faces planes ou bombées. Il est évident que les techniques décrites dans cet article sont applicables à tous les modèles de wagons céréaliers.

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Les wagons céréaliers en réel

Après les avoir longuement photographiés sous toutes les coutures, examinons une sélection d’exemples illustrant l’objectif à atteindre en classant par catégorie. Les flancs sont les premiers à attirer notre attention. Une grande différence caractérise les faces planes et bombées.
Les tôles utilisées pour les faces bombées sont assemblées par soudage. Cela se traduit par de petites nervures verticales qui captent la crasse et sont en premier attaquées par la rouille (photo 2). Ces attaques sont plus sensibles sur le bas des flancs. D’autre part, des coulures verticales apparaissent au niveau du châssis et remontent à mi-hauteur en s’atténuant (photo 3). Les faces sont plus ou moins touchées par la rouille et la crasse. Les wagons fraîchement repeints peuvent être presque immaculés, d’autres sont sévèrement atteints (photo 4). Les faces planes subissent d’autres attaques touchant plus particulièrement les parties supérieures (photo 5). Le mélange de rouille et de crasse forme une sorte de damier plus ou moins régulier. D’autres wagons présentent de larges surfaces rouillées, surtout sur les tôles les plus hautes (photo 6). En plus de cette patine «naturelle», la peinture grise présente plusieurs variantes dues à son ancienneté. Des retouches, souvent d’un gris plus foncé, peuvent recouvrir certaines parties (photo 7). Les marquages sont aussi atteints et semblent «dégouliner » en couleur rouille sale. Bien sûr, il arrive que des tagueurs prennent ces wagons pour cible mais c’est un aspect que nous ne chercherons pas à reproduire (photo 8).
Les extrémités accumulent une bonne couche de crasse, quel que soit le type de faces (photo 9). Bizarrement, les parties supérieures verticales sont souvent moins atteintes même si certaines sont parcourues par des «piqûres» originales (photo 10) ou de belles coulures.

En réel

2 – Les effets du vieillissement : coulures, oxydation, crasse sont mises en évidence sur cette vue latérale ainsi que de nombreux détails du châssis et des bogies.

3 – Gros plan sur les coulures latérales d’un wagon à faces bombées : de la moisissure verdâtre s’incruste à la liaison entre la cuve et le châssis. Les joints des différentes tôles sont bien visibles.

4 – Les différences d’aspect sont sensibles. Le wagon du premier plan est largement attaqué par la rouille alors que les extrémités de ceux à droite et à gauche semblent plus «fraîches». Les immatriculations et une bande grise sous la marque sont relativement récentes.

5 – L’effet de damier apparaît nettement sur les parties supérieures de ce céréalier à faces planes.

6 – Cet exemplaire, largement attaqué par la rouille, possède une caisse quelque peu cabossée.

7 – Les retouches grises appliquées sur ce wagon
sont faites de manière sommaire. Les marquages sont pour le moins «fatigués».

8 – Les tagueurs n’épargnent pas les céréaliers

9 – Les parties inférieures des extrémités sont particulièrement sales au contraire des surfaces verticales supérieures.

10 – Une extrémité «piquée» : un examen détaillé permet de distinguer de petites variantes d’un wagon à l’autre.

11 – Cette vue plongeante met en évidence les différences de la patine qui touche peu les surfaces verticales mais n’épargne pas les plans horizontaux.

Les plates-formes sont également recouvertes de cette «crasse unifiée» qui ne se dépose pas sur toutes les pièces (photo 11). Les renforts internes des céréaliers à faces planes subissent un «traitement» similaire plus ou moins accentué (photo 12).
Les dessus ont une apparence différente selon le type de faces. Les tôles horizontales retiennent l’eau. Elles semblent plus touchées par la rouille avec des surfaces planes (photo 13) que bombées (photo 14). Cette constatation est à moduler en fonction de l’état de vétusté du wagon.
Les châssis sont tous victimes de la «crasse unifiée», atténuant les touches colorées comme les différentes manettes des freins, normalement jaunes ou rouges (photo 15). Les commandes d’ouverture des trappes sont indifféremment des volants ou des manettes de couleur bleue (photo 16) plus ou moins apparente, voire complètement recouverte par la crasse (photo 17). Les crochets latéraux, peints en jaune se distinguent plus facilement (photo 18). Il n’est pas rare que les boîtes d’essieux soient encore gris clair (photo 19). Les flancs de roues sont uniformément de couleur gris sale.

A-Cette rame composée de matériel Jouef et Rivarossi ne peut être mixée avec les wagons Trix en raison de différences de hauteur.
1-Derrière la Sybic 4 26184, la rame Transcéréales patinée a belle allure.

La patine des wagons céréaliers

Après ce rapide tour d’horizon, faisons l’inventaire des travaux à exécuter. Le plus simple est de commencer par les bogies. Ils sont désolidarisés du châssis et les essieux enlevés. Avec un aérographe et une couleur crasse tirant sur le gris, traiter les voiles de roues. Cela peut aussi se faire au pinceau. C’est une opération facile mais un peu fastidieuse, lorsque l’on entreprend le traitement de toute une rame. Les bandes de roulement atteintes par le jet de l’aérographe sont nettoyées pour éviter tout encrassage ultérieur des voies. Les bogies subissent un traitement similaire avec un mélange plus brun (photo 20). Seule une application à l’aérographe permet de remplir toutes les anfractuosités de ces pièces aux formes complexes. De manière non systématique, des boîtes d’essieux reçoivent une couche de gris clair appliquée au pinceau. Les patins de freins, souvent d’un rouge sombre dû à l’oxydation après échauffement, sont délicatement repris au pinceau (photo 21). Toutes ces pièces sont soigneusement rangées pendant la suite des travaux.
Les faces bombées ou planes ne sont pas patinées de la même manière mais avec la même couleur. Nous avons utilisé de la peinture acrylique Prince August provenant du coffret «patine ferroviaire» référence J16. Parmi les six teintes, nous avons retenu la référence 872 «marron chocolat ». Cette couleur est la seule employée pour toutes les opérations de patine des caisses effectuées au pinceau. Pour donner l’impression que les marquages ont été récemment refaits, il faut les protéger par des caches en ruban adhésif repositionnable (photo 22). La partie collante d’un post-it peut très bien convenir. Ce traitement est à faire en évitant toute application systématique et régulière.

Commençons par les modèles bombés. La première phase consiste à souligner délicatement les cordons de soudure verticaux. Pour cela, il faut un pinceau fin, en bon état (bien pointu) et utiliser un minimum de peinture. Ensuite, sans trembler, déposer un filet de peinture en commençant par le bas, au niveau du châssis. C’est là où la patine est la plus importante. En remontant, le pinceau se «vide» de sa peinture et le filet tend à s’amenuiser… comme en réalité (photo 23). Pour ne pas risquer de rater un wagon, il est préférable de s’entraîner sur une chute de plastique clair ayant une petite nervure. En cas de débordement, un essuyage rapide, toujours dans le sens «descendant» permet de limiter les dégâts. La seconde phase est la reproduction des traces verticales remontant le long de la caisse. La méthode du «dry brushing» ou pinceau presque sec convient parfaitement. Le pinceau est remplacé par une brosse dont les poils, un peu raides, vont donner des stries parallèles. Il faut mettre peu de peinture sur la brosse, enlever l’excédent en essayant de faire ces stries sur un bout de papier. Lorsque le rendu est correct, appliquer la peinture sur le flanc du wagon, toujours de bas en haut, bien verticalement pour que toutes les stries soient parallèles (photo 24). La faible quantité de peinture ne permet que de traiter une petite surface. La même opération est à renouveler autant de fois que nécessaire. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Ces techniques de modélisme à la portée de tous demandent du soin, de la méticulosité et du temps. Constamment, il est nécessaire de se référer aux photos des modèles réels pour s’assurer du rendu attendu. En cas d’excédent, le recours au stylo à fibres de verre, toujours passé dans le sens vertical, permet de rectifier la situation (photo 25). Le traitement des faces planes est légèrement différent. Pour donner l’impression d’un damier, cette patine peut être appliquée en dry brushing (photo 26). Elle est ensuite reprise au stylo à fibres de verre (photo 27). En grattant légèrement la patine, il est possible de reproduire cet aspect bien particulier. Cette opération peut se poursuivre sur la totalité des surfaces traitées. L’application d’un voile de patine à l’aérographe (photo 28) permet d’obtenir un résultat similaire après un travail au stylo à fibres de verre (photo 29). Nous utilisons un mélange brunâtre de peintures Interfer (anciennes) très diluées. Du brun, un peu de gris, allongés à l’acétone donnent la teinte attendue. D’autres peintures, fortement diluées, donnent des résultats comparables. Différentes applications correspondent au vieillissement des modèles réels (photos 30).

Les extrémités sont patinées à l’aérographe, outil indispensable pour que la crasse pénètre bien dans les parties internes. Le mélange précédent est additionné d’une pointe de vert (photo 31). Le bas de la tôle verticale peut recevoir un coup de dry brushing pour reproduire l’effet visible sur la photo 13. Les fentes de cette tôle sont traitées au pinceau fin (photo 32). Les manettes et volants sont peints en jaune, rouge ou bleu avant qu’une couche de patine soit appliquée à l’aérographe. Un léger voile de patine sur l’ensemble du wagon permet d’unifier le travail fait au pinceau ou à la brosse. Un «essuyage» des manettes et autres volants leur redonne un peu de couleur (photo 33). Après le traditionnel traitement des tampons avec une touche de noir imitant la graisse et le remontage des bogies, le travail est terminé. En exploitation, une rame de quinze wagons se comporte de manière excellente : aucune tendance au déraillement, pas de points durs et roulement très doux (photo 35). Une petite goutte de lubrifiant au silicone sur les pointes d’essieux permet de diminuer la force de traction de cette rame complète confiée à des machines en livrée Fret, pour de longs trajets entre les lieux de production et les futurs consommateurs.#

35 – Et maintenant, l’exploitation : aucun problème, ça roule sans la moindre difficulté. Attention à la vitesse : un train de fret n’est pas un TGV.

35 – Et maintenant, l’exploitation : aucun problème, ça roule sans la moindre difficulté. Attention à la vitesse : un train de fret n’est pas un TGV.

La bonne hauteur

Au moment de la sortie des céréaliers Trix, une question souvent posée est restée sans réponse : quels modèles sont à la bonne hauteur,Trix ou Jouef-Rivarossi ? Après avoir mesuré les wagons réels, le verdict est tombé : Trix est juste. Il ne manque que 0,4 mm pour être à la cote exacte. Les autres dimensions respectent la réduction à l’échelle H0 à quelques dixièmes de millimètre près.

Jean Cuynet

Jean Cuynet

Ancien auteur